« Habiter par l’objet »
Parution dans l’ouvrage collectif
« Repenser l’habitat, alternatives et propositions ».
Edition Libre et Solidaire, collection Autonomia.
2018
Extraits :
» (…) Je deviens habitant par l’appartenance de mon corps à l’espace, mais j’habite par la conscience d’appartenir à un habitat. C’est la sensation d’habiter qui transcende les murs et différencie la maison d’une prison.(…) »
» (…) Nous appartenons à ces murs qui ne nous appartiennent pas, et on voit bien que si nous pouvons posséder les murs, c’est bien l’habitat qui nous possède. Car l’espace dont l’on fait notre habitat s’imprègne en nous et reste là, dans notre corps, comme un souvenir qui nous séduit ou nous révulse. Que l’on quitte un paysage et on le sent qui nous appelle, comprenant alors qu’on appartient à ces couleurs et à ces bruits, à ces odeurs et à ces vents.(…) »
» (…) Les murs restent des murs tant que l’on ne se les approprie pas, et pour habiter il faut confier nos biens à l’espace, y déposer des morceaux de soi.(…) »
» (…) Car ce sont bien les objets qui permettent d’habiter. D’un côté ils définissent un cadre fonctionnel, délimitant les espaces par zones d’action par la simple présence des outils du quotidiens. Puis par delà le fonctionnel, s’intègrent à l’espace nos objets de valeur, ces objets que l’on possède et que l’on garde. Si l’outil donne ainsi à l’habitat une structure d’usage, la part de soi que l’on insuffle à l’objet nous fait y développer une structure émotionnelle. On s’entoure de repères, qu’ils soient historiques ou culturels, familiaux ou personnels, ils deviennent une externalisation matérielle de notre être. Les objets sont les indices de notre personne, donnant à voir des morceaux de nous comme autant de pièces d’un puzzle, mais avec l’avantage de la maîtrise, consciente ou inconsciente, du sens caché. Ils sont les marqueurs physiques de notre environnement psychique. (…) »
» (…) Toute cette matière à laquelle nous donnons un sens devient tout à coup la preuve de notre existence, de notre individualité parmi l’espèce. L’objet est la matérialisation de notre individuation, car chaque externalisation de notre être, chaque réflexion ou émotion, ne peut être gardée en mémoire que par la matière, et ne peut par conséquent être matérialisée que par l’objet et par le biais de l’objet.
Structure de l’être, les objets sont disposés autour de soi pour soutenir et prouver notre existence, pour la transmettre et la prolonger, peut-être dans l’espoir qu’elle sera un jour perçue, comprise, partagée. Ils deviennent la mémoire de notre présence et, finalement, la réalité de notre absence. (…) »
» (…) L’objet est alors l’habitat de l’individu, ce territoire dont la limite est la matière et dont l’ensemble des possessions forment autour de l’être son paysage. (…) »